Cette série, toujours en cours d’élaboration, a été initiée en 2018 un soir de pleine lune. La lumière singulière reflétée par notre satellite est devenue pour moi au fil du temps une source d’inspiration qui me procure
une sensation visuelle forte que j’ai voulu partager ici.
Ces nuits de pleine lune nous révèlent un univers fait de douceur et de contrastes, où la présence humaine ne se manifeste plus qu’en filigrane, à travers le rougeoiement solitaire d’un fanal sur la mer ou un alignement de maisons aux fenêtres muettes, et où le temps semble mystérieusement suspendu. Dans un monde surexploité en perpétuel mouvement, cette démarche constitue pour moi une forme de libération. À la périphérie des villes, aux abords des lieux ou je réside, je pars dans un élan solitaire, en quête de paysages nouveaux.
Par souci de clarté envers le spectateur, j’ai choisi de donner comme titre à chaque photographie, la date et l’heure de la prise de vue. Dès l’abord, les images, mises bout à bout, m’ont frappé par leur dimension surréaliste. Les appareils photo modernes, très sensibles, permettent de révéler ce que l’œil ne voit pas. Ils ont en quelque sorte le pouvoir de rendre visible l’invisible. Il découle de cet écart entre le paysage perçu par l’oeil du photographe et celui que dévoilent in fine les images une forme d’incertitude fondamentale : en effet, du fait de la longueur du temps de pose (jusqu’à 30 secondes), je n’ai jamais d’idée précise du résultat que j’obtiendrai et ce n’est qu’au moment du visionnage sur l’écran de mon ordinateur que la photo se révèle et s’ajuste.
Les fichiers numériques contiennent un si grand nombre d’informations qu’il est possible de montrer une réalité complètement indiscernable à l’œil nu. Cette prouesse technique m’est très vite apparue comme une opportunité de transcender le réel. Ce travail présente ainsi une forme de dualité : il manifeste d’une part ma volonté de me reconnecter à la nature par la contemplation et d’autre part le profond désir que j’éprouve de la sublimer. C’est précisément dans cette exploration des possibilités en apparence contradictoires de la photographie et dans cette plongée incessante dans l’inconnu que réside à mon sens une grande part de l’intérêt de ce projet.